Publié le 21/09/2017 - Mis à jour le 26/11/2017
Il est de principe que la date d'un licenciement avec effet immédiat soit la date de sa notification lorsque la lettre de licenciement est remise en mains propres. En cas d'envoi de la lettre de licenciement par la poste, la date prise en considération est normalement le jour de l'envoi (date de la volonté de l'employeur de licencier le salarié). D'un autre côté, en cas de maladie, le salarié doit informer, oralement ou par écrit (attention à la preuve), son employeur, dès le premier jour et remettre un certificat d'incapacité de travail le troisième jour au plus tard, afin d'une part, de remplir son obligation morale d'informer son employeur et d'autre part, de pouvoir bénéficier de la protection contre le licenciement (article L.121-6 du Code du travail). Dès que l'employeur est averti le premier jour, il n'est pas autorisé à notifier un licenciement, même pour motif grave. Cette protection cesse si aucun certificat d'incapacité de travail ne lui est parvenu au plus tard le troisième jour de maladie. Mais que se passe-t-il si le salarié fait parvenir un certificat d'incapacité de travail prolongeant sa maladie, concomitamment à l'envoi d'une lettre de licenciement avec effet immédiat ? Selon une jurisprudence constante de la 3ème chambre de la Cour d'Appel de Luxembourg, totalement contraire à celle de la 8ème chambre, l'employeur ne pouvait licencier le salarié sans attendre la fin de la première journée (minuit), pour laisser le temps au salarié de l'informer de son éventuel prolongement de maladie. Deux arrêts du 12 février 2015 et du 12 mars 2015 rendus par la 3ème chambre avaient confirmé qu'en licenciant le salarié avec effet immédiat le premier jour de la prolongation de la maladie, l'employeur avait agi prématurément et intempestivement, donc en violation de la loi, de sorte que le licenciement était de ce seul fait à déclarer abusif. Il était inutile d'analyser si les autres motifs invoqués étaient réels, sérieux et graves. Un arrêt rendu par la 3ème chambre de la Cour d'Appel, en date du 29 juin 2017 (n°44389 du rôle) vient semer le doute sur cette jurisprudence. Dans ce dossier, la version de la salariée était la suivante : elle était en incapacité de travail jusqu'au jeudi 1er octobre 2015 et avait téléphoné à son employeur le vendredi 2 octobre 2015 à 10h00 pour l'informer de la prolongation de sa maladie. Son frère était venu apporter en mains propres le certificat d'incapacité de travail le jour même à 18h00, attestations testimoniales à l'appui. L'employeur a posté la lettre de licenciement avec effet immédiat le vendredi 2 octobre 2015 à 14h52. L'employeur, lui, a contesté la version de la salariée dans son intégralité : selon des attestations testimoniales et des messages échangés sur Facebook, le vendredi 2 et le samedi 3 octobre 2015 étaient des jours de repos pour la salariée, de sorte qu'elle devait normalement se présenter au travail le lundi 5 octobre 2015. Or quand elle aurait pris contact avec son employeur, le lundi à 7h49, il lui aurait expliqué qu'elle était licenciée et que la lettre de licenciement allait lui parvenir ce jour. Vers 17h00, le frère de la salariée aurait apporté le certificat d'incapacité daté du 2 octobre, couvrant la période du 2 octobre au 10 octobre 2015. La 3ème chambre de la Cour d'Appel a eu de sérieux doutes quant à la véracité des attestations testimoniales versées par la salariée et a considéré qu'elle ne rapportait ni la preuve d'avoir informé son employeur le premier jour à 10h00 (aucun relevé téléphonique disponible), ni la preuve d'avoir transmis le certificat à temps (attestations douteuses). Dès lors, la salariée n'était pas protégée contre le licenciement et les juges ont analysé le fond du dossier : le licenciement avec effet immédiat était-il justifié ou abusif ? Au-delà de cette potentielle protection contre le licenciement, au fond, le dossier n'était pas bon pour la salariée, dans le sens où l'employeur apportait la preuve que la salariée avait, a priori, commis plusieurs fautes graves. Le licenciement avec effet immédiat a donc été déclaré justifié. En conclusion, à mon avis, c'est surtout à cause des messages contradictoires sur Facebook, des attestations douteuses et du mauvais fond du dossier, que les juges ont été amenés à ce raisonnement. En temps normal, la 3ème chambre aurait sûrement rendu un arrêt conforme à sa jurisprudence habituelle, en déclarant que la salariée était protégée contre le licenciement. Dans le doute et en prévention de la jurisprudence de la 8ème chambre, le salarié devrait absolument informer son employeur dès la première heure de la prolongation de sa maladie et garder une preuve de cette information. Quant à l'employeur, il devrait patienter jusqu'à la fin de la première journée d'absence, voire idéalement le lendemain matin, avant de notifier un licenciement. Bien entendu, chaque dossier requiert des précautions particulières. © Maître Anaïs BOVE Avocate aux Barreaux de Luxembourg et de Marseille